A joué à la Galerie Vidal-Saint Phalle le vendredi 11 décembre pour l’ouverture de l’exposition Olav Christopher Jenssen.
Voyage musical en violoncelle seul
Par Henri Demarquette
11 décembre 2009
Eric Tanguy ( 1968-) : 1ère esquisse (extraite des 3 esquisses)
Jean-Sébastien Bach (1685-1750) : Prélude de la 1ère suite en sol majeur BWV 1007
Benjamin Britten (1913-1976) : Bordone (extrait de la 1ère suite op 72)
Domenico Gabrielli (1651-1690) : Riciercar n°3
Bernd-Alois Zimmermann (1918-1970) : 4 courtes études
Jean-Sebastian Bach : Sarabande de la 5ème suite en ut mineur BWV 1011
Domenico Gabrielli : Riciercar n°5
Nicolo Paganini (1782-1840) : Caprice n°13 transcrit du violon
Bis
Olivier Greif (1950-2000) : Solo from Nô
Il arrive parfois qu’en croyant faire une esquisse on fasse un chef-d’œuvre, c’est le cas d’Eric Tanguy : quelle envolée, quel tempérament et quelle assurance à 25 ans ! Cette pièce est une magnifique ouverture à ce concert, comme un portique.
Et si J.S.Bach écrivait des esquisses lui aussi ? Il s’agit, avec ce célèbre prélude, des premières notes écrites pour le violoncelle seul de ce qui va devenir la bible du violoncelliste : les fameuses « Suites de Bach »; quand on sait le développement de l’écriture sur les 6 suites, ce prélude, pourtant très simple, incarne la beauté de la perfection. Mais lorsque Bach meurt en 1750, autre temps, autres mœurs ! On écrit plus pour le violoncelle seul, c’est le règne de la mélodie accompagnée des époques classique et romantique. Il faudra attendre le 20ème siècle dont un grand représentant est B.Britten qui, à la demande de Rostropovitch, écrit 3 Suites dans les mêmes tonalités que J.S.Bach ; légitime hommage.
Le « Bordone » ou Bourdon en français est un procédé utilisé depuis toujours et dans toutes les musiques consistant en un instrument qui tient sans discontinuer une note pendant que les autres musiciens improvisent leur chant. Ici, outre l’étrangeté de l’œuvre, le tour de force d’écriture est de réunir le tout en un seul instrument. Nous voilà hypnotisés par un ré résonnant dans la tête comme une obsession à laquelle on voudrait échapper et l’on y échappe … Grâce à la volubilité, la liberté, la fantaisie baroque italienne de Domenico Gabrielli ! Et quelle modernité ! Sommes-nous réellement choqués lorsque nous faisons un saut de trois siècles et jouons la musique de Zimmermann ? Le baroque est-il si éloigné de l’expressionnisme sériel dont se réclame Zimmermann ? Faisant suite à Anton Webern, il compose des études (des esquisses ?) sur la concentration du temps, la poésie microscopique, tragédie minimale, la raréfaction du son jusqu’aux limites du silence. Chez Bach, la sarabande de la 5ème suite, joue sur la même idée ; douleur du dénuement extrême au point d’utiliser des intervalles dissonants, déchirants, chers à la musique sérielle, et jusqu’à commencer avec les mêmes notes, là ou Zimmermannn avait finit…Mystérieuse communion au-delà du temps…
Contraste !
Do mineur tragique Do majeur triomphant !
Après Gabrielli le volubile, Gabrielli le fou, le délirant, l’inimaginable, obligeant l’archet à sauter toutes les cordes créant ainsi des intervalles inédits ; virtuosité échevelée, improvisatoire, freejazzesque ! Après cela, tout est possible ! Le violoncelliste-fauve est lâché jusqu’à voler l’identité de Paganini, le violoniste funambule pour ce 13ème! Caprice surnommé « l’éclat de rire »… diabolique ?
Bis
Adieu Olivier, mon cher, dix ans déjà et qui me parle de musique depuis? Comment fais-tu pour composer un « au revoir » alors que tu es encore parmi nous? Comment fais-tu pour avoir conscience de ta fin comme Chausson qui pourtant meurt d’un accident de vélo? comment fais-tu pour me toucher au plus profond alors que ta musique est si simple??? Tu me manques!
Henri
Musical voyage for solo cello
By Henri Demarquette
11th of December 2009
Eric Tanguy ( 1968-) : esquisse No 1 (extract of Esquisses (3))
Jean-Sébastien Bach (1685-1750) : Prelude to Suite No 1 In G major BWV 1007
Benjamin Britten (1913-1976) : Bordone (extract of Suite No 1 op 72)
Domenico Gabrielli (1651-1690) : Riciercar n°3
Bernd-Alois Zimmermann(1918-1970) : 4 short studies
Jean-Sebastian Bach : Saraband of Suite No 5 in C minor BWV 1011
Domenico Gabrielli : Riciercar n°5
Nicolo Paganini (1782-1840) : Caprice n°13 transcripted from violin
Bis
Olivier Greif(1950-2000) : Solo from Nô
Sometimes while making a draft (Esquisse) a masterpiece is born, this is the case of Eric Tanguy : such liberty, such temper and such character at the age of 25 ! This piece is a beautiful opening to this concert, like a portal.
What if J.S Bach also wrote drafts (esquisses) ? These are, with this famous prelude, the first notes written for a solo cello to what is going to become the bible of all cello players : the famous “Bach Suites”. When we know how much research the writing of the 6 suites took, this prelude, though very simple, embodies beauty and perfection ! But at Bach’s death in 1750, new times bring new ways ! Music isn’t only written for a solo cello, it’s the rule of an accompanied melody of the classical and romantic era. We will have to wait for the 20th century of which Benjamin Britten is a great representative he was asked by Rostropovich to write three Suites in the same tones as J.S Bach; a sublime tribute.
The “Bordone” or bumble bee in English is a process that has been used forever where an instrument holds a note while the other musicians improvise their tune. Here, beyond the strangeness of the piece, the “tour de force” of this writing is to condense them all in one instrument. We are hypnotized by a D echoing in your head, it’s an obsession we would like to flee and we do … Thanks to the volubility, the liberty, the baroque fantasy of Domenico Gabrielli ! Such modernism ! Are we so shocked when we jump 3 centuries and play the music of Zimmermann ? Is Baroque so far apart from serial expressionism that Zimmermann claims to be from? Following Anton Webern, he composes Studies (maybe even drafts/ esquisses ?) on the concentration of time, microscopic poetry, minimal tragedy and the rarefaction of sound to the limits of silence. With Bach and his Saraband of the Suite No 5 we have the same idea ; pain of extreme penury to the point of using discordant intervals, tearing, dear to serial music, and he starts with the same notes as Zimmerman’s finale … mysterious communion beyond time…
Contrast !
C minor, tragic C major triumphant !
After Gabrielli the voluble, Gabrielli the mad, the delirious, the unimaginable, making the bow jump all the strings creating unprecedented intervals ; wild virtuosity, improvisation, freejazzy ! After this anything is possible ! The feline cello player is let go and even steals the identity of Paganini the funambulist cello player for this 13th ! Caprice known as “the outburst of laughter” … diabolical ?
Bis
Farewell Olivier, my dear, ten years already and who speaks to me of music? How did you manage to compose a “farewell” whilst you are still amongst us ? How did you manage to be conscientious of your end like Chausson (musician and poet) who died on a bicycle ? How do you manage to touch me so deeply when your music is so simple ?? I miss you !
Henri