Max Neumann
Œuvres récentes
25 Janvier – 18 mars 2014
Max Neumann est né en 1949 à Sarrebruck. Il vit à Berlin.
De très nombreuses expositions en galeries, en Europe et aux Etats-Unis, ont présenté régulièrement son travail : en France, notamment, à la galerie Vidal-Saint Phalle (Paris), en Allemagne à la galerie Stefan Röpke (Cologne) et la galerie Lévy (Hambourg), en Italie à la galerie Mimmo Sconamiglio (Milan), en Belgique à la galerie Pascal Polar (Bruxelles), aux Etats-Unis à la galerie Bruce Silverstein (New York).
L’œuvre de Max Neumann a été exposée en musées et en centres d’art : au Folkwang d’Essen (1994), au château du Roi René (1994), au musée du Schleswig-Hollstein (1998), au Théâtre du Vieux Colombier, Paris (2000), au musée d’Ixelles, Bruxelles (2004), à l’Espal au Mans (2005), au Centre d’art contemporain de Cuenca (2010).
Max Neuman est ainsi représenté dans les collections de la Neue Nationalgalerie de Berlin, du musée des Beaux-art de Lübeck, de celui de Sarrebruck, d’Essen, du Schleswig-Hollstein, de la Kunsthalle de Hambourg, du musée de Caen, d’Oviedo, de la Fondation Maeght, du musée Seibu de Tokyo, et de ceux de Sendai, d’Hiroshima, d’Hakone et de Toyama au Japon
Max Neumann a travaillé avec de nombreux écrivains, poètes et artistes, et tout particulièrement avec Cees Nooteboom, Joachim Sartorius, László Krasznahorkai, Alfred Brendel.
La galerie Vidal-Saint Phalle est heureuse de présenter, pour la douzième fois, une exposition personnelle de ses œuvres.
Cité fantôme
Sous le brouillard fauve d’une aurore hivernale.
T.S. Eliot. The Waste Land
Je suis dans l’atelier de Max Neumann à Berlin pour choisir la prochaine exposition.
Il y a quelques dessins posés à terre dans un coin, les tout derniers pas encore fixés, les autres m’attendent sur une table près d’une baie vitrée. Les peintures seront pour plus tard.
Max lit le journal dans son fauteuil. Sonja, sa femme, s’active à son bureau. La scène est familière et je dirais qu’on est entre amis si je n’avais pas entendu si souvent les galeristes se vanter d’être l’ami de leurs artistes. L’inverse est plus rare.
Je m’assois à la table. Je fais glisser les dessins devant moi, l’un après l’autre, lentement, le travail a changé, le trait plus dessiné, les couleurs posées différemment, en halo clair, acidulées, puis plus vite, laissant le tri se faire du coin de l’œil et mes mains choisir sans y penser. Parfois trop vite et Max qui s’est levé et regarde défiler ses dessins entre mes mains, en remet un à l’endroit : » C’est mieux comme ça ! « . Je fais un tas des plus beaux.
Quand c’est fini, je demande à Max si je n’ai pas oublié un de ses dessins préférés et invariablement il me répond qu’il n’a pas de dessins préférés.
Il me dit aussi que, malheureusement, il ne peut m’en confier qu’une vingtaine et je reprends pour un nouveau tri ceux que j’ai déjà mis de côté. S’il y a un moment délicieux dans ma vie de galeriste c’est celui-là.
Ce sont des portraits et ce ne sont pas des portraits. Ce sont des figures privées de traits distinctifs, où parfois manquent le regard, la bouche ou une oreille. Aucune n’est vraiment le visage de quelqu’un en particulier, saisi dans sa singularité, ne reflète un caractère, n’ébauche un type ou un personnage. Ce sont des paysages mentaux, des instants d’inquiétude auxquels nous assistons à distance. Nul drame, familier ou tragique, que nous soyons contraints de partager. On ne nous demande rien et nous ne sommes les témoins de personne. Nous ne sommes que les spectateurs d’une énigme dont la beauté nous saisit. Figures de l’âme, parées et mises en scène pour l’occasion. Figures marquées par l’intelligence mais ne sachant pas où cette intelligence les mène, qui se dédoublent, se multiplient, disparaissent ou nous reviennent entourées d’objets incongrus.
Pas une fois dans l’atelier de Max Neumann où je n’aie pensé à ces vers d’Eliot, au début de Waste Land, à ces inconnus croisés sur London Bridge qui soupirent en regardant leurs pieds :
Une foule passait sur London Bridge, tant de gens
Qui eut dit que la mort ait défait tant de gens.
Les dessins ont des douceurs d’orchis, sont auréolés de vermillon, de vert tendre et de jaune qui leur donne une tendresse, une empathie nouvelle, les visages aux traits plus affirmés semblent sortir de l’obscurité dans laquelle ils étaient précédemment enfermés. Le papier exhale une odeur d’huile. A plat sur le bureau, à nu, sans vitre d’encadrement, ils se déploient. Certains dessins ont été faits sur une page de registre, d’autres sur de vieux journaux ou des emballages. Une couche légère de cire peut voiler les yeux et les faire baisser et Neumann utilise parfois un peigne métallique pour creuser la matière, lui donner de la touche.
» Très bon choix ! » me dit Max qui dit toujours ça.
Les grandes peintures sont accrochées aux murs de l’atelier.
« Dessiner et peindre sont des temps différents » m’a dit une fois Max Neumann. « Je dessine devant ma table ou sur mes genoux, en buvant mon café, en lisant ou en écoutant la radio. C’est un rendez-vous de tous les jours, je dessine comme on écrit. Mais peindre…c’est jouer aux échecs quand en face l’adversaire est sans pitié. »
Au fil des années, sa peinture a pris des formes nouvelles, chaque étape semblant rétrospectivement être la suite logique de la précédente, la poursuite d’un destin tracé d’avance, une route qui après des détours mènerait à la même maison silencieuse, à une bâtisse aveugle au pied d’une forêt très ancienne.
Mais cette fois le virage est, semble t-il, plus important.
La scène s’est animée. Il y a un mouvement, une course qui n’existait pas avant. Corps et silhouettes tendent à s’assembler, s’imbriquer, tomber du ciel et dans cette chute se tenir du bout des doigts, du bout des ailes. D’autres, au contraire, s’arrêtent en plein effort, se dressent dans une immobilité de statues.
La même matière métallique, éclatante -vert clair, rougeoyante ou bleu céleste-, découpée comme au pochoir, contenue à l’intérieur d’une ligne forte, les unit mais il reste toujours ce beau noir, ce noir des profondeurs de Neumann et c’est ainsi que les meilleurs artistes se renouvellent.
Je me permets de dire à Max Neumann que son travail a progressé.
Il me répond : « Je peux aller là » dit-il mettant sa main à hauteur de l’épaule « et avec le travail jusque là » et sa main est passée au dessus de la tête.
« Maintenant je me sens libre ! » me dit encore Max.
Bernard Vidal. Décembre 2013