Tal Coat

6 mai 2011

Pierre Tal Coat (« Front de bois » en breton) est né en 1905 à Clohars-Carnoët dans le Sud du Finistère et mort en 1985 à Dormont, près de la vallée de la Seine et de Giverny.

Vingt-six ans après la disparition du peintre, la singularité de son œuvre apparaît de mieux en mieux. Actuellement deux expositions importantes – au Domaine de Kerguéhennec (Morbihan) et au Musée des Beaux-Arts de Mons (Belgique) – portent sur sa démarche des éclairages nouveaux. Tal Coat fait partie des artistes dont l’itinéraire déconcerte régulièrement la critique parce qu’ils n’appartiennent à aucune école, à aucun mouvement. En revanche, les plus grands parmi les peintres et les sculpteurs (Bonnard, Giacometti, Braque, Masson, Miró, Staël, Balthus, Chillida…) et parmi les poètes et les écrivains (André du Bouchet, Philippe Jaccottet, Samuel Beckett…) ont salué en Tal Coat « le peintre des peintres ».

La nouvelle exposition (une quarantaine d’œuvres, principalement des années 1970-1985) que présente la galerie Vidal-Saint Phalle montre que Tal Coat atteint l’abstraction par d’autres voies que le geste lyrique ou la composition géométrique. Rien à voir par exemple entre le propos de Hans Hartung ou de Pierre Soulages et celui de Pierre Tal Coat. Même les lavis (à l’encre de Chine, à l’encre de coprin, au brou de noix) gardent la mémoire des marches dans la campagne et des « terres affrontées », vues et parcourues. Et si l’on parle d’abstraction à propos de la dernière période de Tal Coat, ce sera plutôt au sens où Vincent Van Gogh l’écrivait à son frère Théo (Vincent avait passé la journée à peindre une chaise, un lit ou des tournesols, il disait sa fatigue) : « Quel effort d’abstraction ! ». Ce sera d’abord dans le sens d’une radicalité, d’une recherche épurée et d’une transposition débarrassée de l’anecdote.

Un ensemble de vingt aquarelles réunit les « Notes » de Tal Coat devant le paysage : on y retrouvera les Champs de colza (un thème de prédilection) mais aussi, par exemple, une cascade dans la montagne. Ces lumineuses aquarelles des années 1980-1985 disent le bonheur d’un artiste libre de tirer de chaque support, médium et instrument, une sorte de quintessence de la sensation et de l’espace. L’encre, l’aquarelle, le crayon sur le papier comme l’huile sur la toile (ou sur le panneau de boîte à cigares) sont maniés avec la même simplicité : cygnes, vignes au-dessus du Léman, labours et lignes de failles dans les rochers (autre thème de prédilection de Tal Coat) nous rappellent que, chaque fois, une chose a été vue, un phénomène éprouvé. Un détail significatif restitue la réalité dans son ensemble et dans sa fraîcheur. La couleur de la peinture de Tal Coat appartient « au développement des choses naturelles » (Charles Estienne), « comme la couleur du tronc et du fruit à partir de l’écorce et de la pulpe ». Une telle simplicité n’exclut pas la dissonance ou la déchirure : le « vif » et « l’aigu » de la faille justement.

Chaque fois aussi, l’expérience de cette peinture est telle que l’on est tenté d’appliquer à l’œuvre de Tal Coat ce qu’il disait lui-même à propos de Vélasquez : « Cette touche de peinture est espace. C’est le rien et le tout déjà. Comme une goutte de rosée. C’est le fragment et la totalité… »

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